Le Président Poincaré aux Régates du Havre (juillet 1913)
Le 23 juillet 1913, après un arrêt à Rouen, le train présidentiel arrive à 10 heures à la gare du Havre. M. Poincaré est en habit ; il porte le grand cordon de la légion d’honneur.
Il est accompagné de Pierre Baudin, ministre de la Marine, de Joseph Thierry, ministre des Travaux publics, d’Alfred Massé, ministre du commerce et de l’industrie, du général Beaudemoulin, secrétaire général de la présidence, du colonel Boulangé, lieutenant de vaisseau et de Grandclément, capitaine de vaisseau, de la maison militaire du président.
Une compagnie d’infanterie rend les honneurs sur le quai de la gare, pendant que la musique du 129° joue la Marseillaise et que tonnent les premiers coups de la salve de 101 coups de canon, tirée par la batterie du cap de la Hève. La voiture est escortée par un escadron du 7° chasseurs. Les honneurs sont rendus par le 39° et 129° régiment de ligne.
La daumont du président est précédée, par la voiture, que suit un peloton de gendarmes, où ont pris place M. Pujalet, directeur de la Sûreté générale et M. Oudaille, commissaire spécial responsable du service d’ordre.
Le cortège est arrivée à 10 heures 50, au Palais des Régates dont les abords ont été envahis de grand matin par la haute société havraise. Le président, les ministres et les autorités locales occupent les tribunes.
La mer était houleuse et secouait durement des centaines d’embarcations qui ne semblaient pas disposées à gagner un abri. La lutte des embarcations des cuirassés : « Gloire », « Marseillaise » et « Condé », dont chacune d’elles contenait 28 rameurs, a enthousiasmé le Président et le ministre de la Marine. Les trois embarcations ont lutté de front et les matelots avaient l’air de se soucier médiocrement des grosses lames qui leur faisaient danser un tango accentué.
Quel joli coup d’œil que celui de la mer immense et des frêles embarcations qui se disputent le prix avec, au fond les gros bateaux de guerre venus pour saluer les pouvoirs publics. La foule élégante des baigneurs fait une série d’ovations tandis qu’une musique militaire joue des airs entrainants et que les courses à l’aviron sont applaudies à tout rompre par un public de connaisseurs.
Au bout d’environ une heure, le président et les ministres, rejoignent le Palais de la Bourse.
Après un court arrêt à la sous-préfecture, M. Poincaré s’est rendu à pied en cortège, au banquet qui lui a été offert au palais de la Bourse du commerce et de l’industrie ; sept cents invités y étaient conviés.
En réponse aux discours du maire du Havre et du président de la chambre de commerce, M. Poincaré énumère la série des grands travaux exécutés au Havre et il fait le tableau de la prospérité croissante du port. Puis il termine ainsi : « En même temps que de sûrs républicains, vous êtes de fervents patriotes. Vous n’ignorez pas que la prospérité de votre ville, comme celle du pays tout entier, dépend de la paix générale, et si vous écartez loin de vous toute vision belliqueuse, vous comprenez clairement que, dans la distribution actuelle des forces européennes, une France robuste et bien armée est un élément essentiel d’équilibre et de stabilité ».
A 2 heures 45 de l’après-midi, au moment où M. Poincaré quitte le Palais de la Bourse, les clairons sonnent « aux champs » A pied, suivi des personnalités qui l’accompagnent, il traverse la place, et se rend à la sous-préfecture pour un court passage. Le président regagne, ensuite, sa daumont pour rejoindre le quai de l’escale, au bassin de marée. Il va remettre la médaille du travail à M. Laverge, employé de la société des Travaux du Port avant de poser la première pierre du musoir (extrême pointe d’une jetée). Cette cérémonie est suivie de la pose de la première pierre de la Maison des Douaniers et remet des médailles d’honneur à quatre préposés.
Visite du Paquebot « France »
Le cortège se rend à l’endroit où est amarré ce magnifique Paquebot. Il est reçu par M. Charles-Roux, président de la compagnie générale Transatlantique. Il visite les salons et les cabines de première classe dont il admire le confort et les heureux aménagements.
Après les discours d’usage, M. Charles-Roux accompagne M. Poincaré à sa voiture et le cortège se remet en route.
A 4 heures 50 de l’après-midi, le président visite l’hôpital Pasteur et l’hospice général.
Une réception à l’Hôtel de Ville
M. Poincaré remet trente-trois médailles du travail à l’Hôtel de Ville. Après cette cérémonie, le président est conduit dans le cabinet du maire où des rafraichissements ont été préparés. M. Génestal exprime à M. Poincaré les remerciements de la Ville du Havre pour l’honneur qu’il lui a été faite en la visitant et lui remet la grande médaille d’or de la Ville du Havre.
Enfin, la partie la plus gracieuse du programme de la journée a lieu dans le jardin de l’Hôtel de Ville.
Des milliers d’enfants, élèves des écoles, sont réunis par les directeurs d’école et le corps enseignant. A l’entrée du président, 300 enfants filles et garçons chantent un chœur patriotique « Patrie ». Puis, au son d’une marche militaire, tous les enfants, admirablement rangés comme des soldats à la revue, défilèrent devant les hôtes de la ville du Havre.
Cette journée avait été admirablement organisée et surveillée par M. Pujalet, directeur de la Sûreté générale et par M. Oudaille, commissaire spécial ; que l’administration, en la personne de M. Tony Reymond, secrétaire général des chemins de fer de l'Etat, fut tutélaire et que personne ne ressentit de fatigue, malgré quinze heures et demie d’habit noir et de cravate blanche, habit noir devenu gris et cravate blanche devenue bien sombre ! (Paris- Journal du 24 juillet 1913)
Au milieu de nouvelles acclamations, le cortège présidentiel rejoignit la gare du Havre pour un départ à 7 heures du soir et une arrivée à Paris à 10 heures.