VISITE EN FRANCE DU PRINCE REGENT D’ETHIOPIE
(MAI 1924)
Le Prince-Régent Taffari à bord du navire français « Porthos », partit de Djibouti vers Suez d’où il gagna Jérusalem pour y faire ses Pâques orthodoxes pour, enfin, débarquer à Marseille le 15 mai.
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L’accompagnent en France, quatre dignitaires royaux : le ras Haîlou, roi du Godjam ; le dedjazmatch (ou général) Gabré Sélassié ; le ras Gougsa, le ras Seyoum, roi de Tigré.
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Le chef du protocole, Pierre de Fouquières, s’enquit du rang des différents personnages de la suite princière afin de préparer les réceptions et festivités d’usage. Il lui a été confirmé qu’à la table de « son Altesse Impériale et Royale le ras Taffari Makonmen, pouvaient s’assoir un nombre défini de feudataires ou personnalités, bénéficiant du titre protocolaire d’Excellence ».
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A 21 heures 15, il est reparti pour Paris par train spécial et a été salué sur le quai de la gare par le préfet des bouches du Rhône, non sans avoir fait part de la satisfaction que lui a procuré l’accueil chaleureux de la population marseillaise. M. Oudaille, commissaire spécial accompagne le prince à Paris.
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Arrivée à Paris
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Le Prince-régent d’Ethiopie arrive le 16 mai à la gare de Lyon où il est reçu par le président de la République, le président du Conseil, les ministres, le gouverneur militaire de Paris, quelques personnalités du monde colonial. Après une brève réception dans le hall de la gare, le prince Taffari, M. Millerand et le général Lasson, chef de la maison militaire du président, se rendent à l’hôtel de ville de Paris.
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Le prince a été accueilli solennellement à l’Hôtel de Ville et le soir à l’Elysée des toasts ont été échangés entre le chef de l’Etat et le représentant des rois abyssins.
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A ces honneurs officiels, Paris a ajouté la cordialité d’accueil qu’il réserve toujours aux souverains étrangers. Il a acclamé avec une particulière sympathie ce prince beau et souriant, d’un exotisme élégant qui a été élevé à la française en y discernant sans peine un ami de notre pays.
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Au Bourget
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A dix heures le 17 mai, les automobiles du prince- régent Taffari et de sa suite arrivent au Bourget. Le colonel Barès, commandant la division aérienne, l’amiral Gilly, directeur de l’aéronautique et le colonel Poli-Marchetti, commandant le 34° régiment d’aviation accueillent le prince. Les honneurs sont rendus par une compagnie du 21° colonial.
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Le Prince-Régent est conduit au terrain d’atterrissage où sont rangés en ordre de combat le groupe de chasse du 34°.
Le 17 mai il a assisté au Bourget à des prouesses d’aviateurs militaires. Trois escadrilles de 8 avions se groupent à hauteur de la route de Soissons pour revenir défiler sous la conduite du capitaine Pinsard. Puis les mêmes appareils se livrent à des acrobaties qui émerveillent le prince. Enfin, un appareil atterrit sur le terrain, un 19A2 à moteur Lorraine-Dietrich, alors que des informations sur les performances de cet avion sont données par le capitaine Pinsard.
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La visite se poursuit par celle de l’aéroport commercial. Le Prince-Régent y fut reçu par le commandant Camerman, directeur du service de la navigation aérienne. M. Ranvoisé, commandant du port aérien, fit ensuite monter le prince et sa suite dans un avion limousine et le renseigna sur les services techniques du port.
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A l’Arc de Triomphe
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Après avoir déjeuné dans l’intimité aux Affaires étrangères, à trois heures de l’après-midi, le Prince-Régent Taffari vient rendre hommage au Soldat Inconnu. Sur le terre-plein, encadré par des détachements du 21° colonial, on reconnaissait le général Gouraud, le général Lagrue et M.Naudin.
Les tambours battent aux champs. Les princes Abyssins déposent sur la dalle, au milieu des fleurs, une sorte de lyre faite de deux grandes défenses d’éléphant dont le bout est coiffé d’argent. Au centre, un lion en argent surmonté de la couronne éthiopienne.
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Aux Invalides
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Accompagnés par le général Gouraud, le prince et sa suite visitent le musée de l’Armée et le tombeau de l’empereur.
Dans la soirée, le président du conseil et Mme Poincaré ont offert un diner au quai d’Orsay en l’honneur du prince Taffari.
Au camp de Satory
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Le 18 mai à 10 heures 10, le prince passe en revue les troupes. Et sous la conduite du colonel de Torquat, commandant le 503° régiment de chars d’assaut, il visite les hangars abritant les tanks. « Combien en avez-vous ? » demande le prince, « Trois cents, Altesse », répond le colonel.
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Le cortège se rend au camp de Satory pour les manœuvres. Deux groupes de chars se livrent à un simulacre de combat. Deux d’entre eux se lancent à l’assaut d’une butte d’une quinzaine de mètres de hauteur et dont l’inclinaison atteint 35 degrés. Les deux machines atteignent le sommet, l’une d’elles redescend le versant opposé. Durant les exercices un avion survole les troupes faisant des signaux.
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La journée se poursuit par la visite du musée d’artillerie et par celle du château de Versailles.
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A Paris
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Le 19 mai, le prince-régent visite la cathédrale Notre Dame de Paris, le Palais de Justice, le musée du Louvre, l’hôtel des monnaies, la foire Saint Germain, les Gobelins, l’Imprimerie Nationale.
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Sous le grand portail de la cathédrale, il est reçu par le chanoine Pisani, doyen du chapitre et l’archiprêtre de Notre Dame de Paris, entourés de tous les membres du chapitre. Après avoir traversé la grande nef, il visite la salle du Trésor où sont conservés les ornements sacerdotaux du sacre de Napoléon 1er. Il termine sa visite par les reliques conservées dans une chapelle de l’abside.
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Au Palais de justice il est reçu à l’entrée de la Saint Chapelle, puis visite la salle de la Cour de cassation et celles de la Cour d’appel et de la Cour d’assises.
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Au musée du Louvre, il visite le département des antiquités égyptiennes et assyriennes, dans la galerie d’Appolon les joyaux de la couronne, et enfin les chefs d’œuvre des maitres de la renaissance et des écoles suivantes. Il peut ainsi admirer la Joconde. Il termine par les galeries consacrées à la peinture moderne.
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A Fontainebleau
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Le 19 mai, le Prince-Régent visite le château de Fontainebleau, assiste à une manœuvre d’artillerie, à une exhibition équestre et termine par la station de T.S.F de Sainte-Assise. Il est reçu par M. Girardeau, administrateur des compagnies de T.S.F associés et par le commandant Brenot, directeur qui le conduit devant les machines les plus puissantes au monde. Avant de quitter la station, le prince demande à parler devant le microphone et debout face à l’appareil il remercie la France en ces termes :
« Représentant d’une très ancienne civilisation d’Orient, je suis heureux d’employer aujourd’hui cette grande découverte de la civilisation moderne d’Occident. Grâce à elle, je puis exprimer, dans l’Europe entière, mon amitié à la France accueillante et éclairée, ma reconnaissance pour le président de la République française, mes remerciements à la compagnie française de radiophonie »
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Le départ
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Le 20 mai il part pour Bruxelles. Au moment des adieux que sont venus lui présenter les personnages officiels attachés à sa personne, il a retenu auprès de lui M. Oudaille à qui il a manifesté ses plus vives amitiés.
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Les cadeaux du Prince-Régent à la Ville de Paris
Le prince confiera à M. Alype, ambassadeur de France en Ethiopie que c’est l’accueil du peuple de Paris qui l’a le plus ému.
Il a offert des défenses d’éléphants qui mesurent plus de deux mètres montés sur argent et un tapis de soie portant en son centre le portrait de l’impératrice Zaoditou, reine des rois d’Ethiopie assise sur son trône et portant le grand cordon de la légion d’honneur. Il fait un don de 60 000 francs pour les caisses des écoles, pour les pauvres et aux hôpitaux de Paris.