Le Président Millerand au Maroc (avril 1922)
En 1940, Bertrand Desmazières a commencé sa carrière au Maroc où il a passé vingt-deux années dans le cadre du contrôle civil. Après l’indépendance du royaume chérifien, il a fait partie des agents diplomatiques et consulaires.
Il a terminé sa carrière comme ambassadeur au Togo.
Dans son livre sur Pierre Sorbier de Pougnadoresse, « le Colbert de Lyautey », Bertrand Desmazières consacre un chapitre sur le voyage du président de la République, Alexandre Millerand, au Maroc (5 avril – 15 avril 1922). Les commentaires qui suivent sont des extraits de cet ouvrage.
En préambule il écrit :
« L’année 1922 sera le dixième anniversaire de l’établissement du Protectorat…. C’est le président de la République en personne qui, sur les instances de Lyautey, viendra apporter le salut de la Métropole à ce joyau de l’Empire français que le Maroc est en passe de devenir, et, en même temps, rendre hommage à la loyauté du sultan, affirmer sa souveraineté et délivrer au résident général ainsi qu’à son équipe, et surtout aux troupes qui font le principal de l’effort, de justes témoignages de satisfaction et de stimulants encouragements. Tenter de mettre un terme, également, à quelques « frémissements politiques » que l’on croit pouvoir déceler au sein des populations autochtones ».
CASABLANCA
En 1907, le gouvernement chérifien confie à une entreprise française la construction d’un petit port artificiel… En 1912, Lyautey décide de faire de Casablanca non seulement un grand port mais aussi le centre économique du Maroc. L’architecte Henri Prost est chargé d’édifier la ville nouvelle et d’en planifier le développement. De 60 000 habitants en 1912 la population passe à 263 000 en 1936. (Guide vert Michelin)
Une grande barcasse verte et or reçoit le chef de l’Etat français et le conduit jusqu’au quai de la darse jonché d’épais tapis.
Lyautey estimait que le « pontife suprême des croyants » ne pouvait risquer de devoir attendre et d’être exposé à la promiscuité de la foule. Mais le protocole élyséen a objecté qu’un chef d’Etat arrivant dans un pays étranger devait être accueilli par son homologue en personne et qu’au demeurant cette exigence confirmerait la qualité de véritable chef d’Etat reconnue au sultan. C’est ce qui fut fait et l’on prit soin de dresser un peu à l’écart de la foule la tente (l’afrag) de Moulay Youssef.
Cette grande tente est à fond rouge, au toit vert surmonté d’une boule dorée. Le souverain marocain est entouré de tous les membres du haut maghzen, hiératique et tout de blanc vêtu.
La garde noire forme une haie d’honneur : tous ces hommes de haute stature, coiffés d’un turban blanc et habillés d’un uniforme rouge à col vert avec ceinturon blanc, ont fière allure.
Une foule très bigarrée est massée sur l’avant-port et tout au long de l’itinéraire qu’empruntera le cortège. Une compagnie de zouaves, revêtus de leur tenue traditionnelle pittoresque, avec ses drapeaux surchargés de décorations, rend les honneurs.
Après quelques moments de repos, dans la résidence du maréchal, M. Millerand et sa suite se rendent au palais chérifien. L’imposant cortège s’engage dans le boulevard du 4ème Zouaves.
Le président et le maréchal Lyautey passent devant les tentes berbères
Lors d’une importante remise de décorations sur la place de France, le pacha Moulay Ahmed ben Mansour est fait commandeur de la légion d’honneur.
Le président Millerand quitte la résidence, le matin du 6 avril. Le commissaire Eugène Oudaille en uniforme le précède (à gauche sur la photo).
Le cortège d’une trentaine d’automobiles Panhard prend ensuite la direction du sud à l’allure moyenne de 40 km à l’heure.
DE CASABLANCA A MARRAKECH
Au pays des Chaouïa, les grands murs d’enceinte des fermes, percés de meurtrières, témoignent des impératifs de sécurité de l’époque. Chez les Doukkala, de grandes étendues de fertilité moyenne sont parsemées d’une multitude de petits cubes blancs qui sont autant de fermes indigènes. Des groupes de figurants, multicolores ont été massés au bord de la route presque d’un bout à l’autre du parcours.
AZEMMOUR
Azemmour sommeille au bord de l’estuaire où la marée contrarie le flot rouge de l’Oumer er-Rbia … Fortifiée sous le règne des Almoravides, elle a connu une croissance importante à cette période, avec l’établissement de son port … Au 12ème siècle la ville est détruite par les troupes de Tachfine ben Ali … En 1266, elle se relève de ses ruines … En 1513, elle tombe sous la domination portugaise jusqu’en 1541. Les Portugais laissèrent une trace durable de leur occupation, avec la citadelle qui domine le fleuve. (Guide vert Michelin)
C’est tout juste si l’on s’arrête à Azemmour, blanche cité accrochée à la rive gauche escarpée de l’Oum er Rhia qui roule des eaux rougeâtres et que l’on traverse sur un bac à 2km de son embouchure.
Réception à Azemmour dans la tente du caïd d’Azemmour
Au premier rang de gauche à droite :
Pierre de Sorbier de Pougnadoresse diplomate, secrétaire général du Protectorat. On finissait par dire à Rabat « Monsieur de Sorbier gouverne »
Le Président Alexandre Millerand, le maréchal Lyautey et le caïd qui arbore deux décorations, sans doute, françaises
Le commissaire Eugène Oudaille en arrière-plan en uniforme entre un militaire et un personnage portant apparemment une kippa
Salé Médersa, façade de la mosquée.
MAZAGAN
Ancienne forteresse portugaise du XVI siècle. A l’intérieur des remparts la vieille église de l’Assomption, bâtie par les Portugais vient d’être rendue au culte. Ce port a cru naguère pouvoir concurrencer Casablanca en raison d’une rade plus sûre et plus accessible. Elle se flatte maintenant de devenir la grande station balnéaire du pays.
Le pacha de la ville n’est autre que le vénérable Si M’hammed Guebbas qui fut chargé des fonctions de grand vizir lors de la disgrâce de Si Mohammed el Mokri entre 1913 et 1915. C’est le docteur Frédéric Weisgerber qui est en ce moment le chef de la région.
Avant un déjeuner « européen » à l’hôtel de France, se déroule sur la plage une grande fantasia.
Il faut moins de huit heures, avec de brefs arrêts, pour aller de Mazagan à Marrakech.
Citerne Portugaise
Vers le milieu de l’après-midi, après les derniers ressauts de la chaîne des Djebilet, « un mur de diamants et de turquoises » se profile à l’horizon c’est le grand Atlas et, après le vieux pont sur l’Oued Tensift, voilà que s’achève cette assez pénible randonnée (250 /300 km)
MARRAKECH
Ville impériale et capitale du sud, Marrakech exerce sur les populations de la partie méridionale du pays, de l’Atlas au Sahara, comme sur les voyageurs, un attrait extraordinaire … pour qui arrive du nord, l’apparition de la palmeraie au milieu de la plaine ardente du Haouz constitue un étonnant spectacle. (Guide vert Michelin)
Un accueil extraordinaire, magnifiquement orchestré par le pacha Si Thami el Glaoui, est réservé au président de la République. Un fils du sultan, qui est son Khalifa pour le sud, prend place dans la voiture entre M. Millerand et son hôte. Précédé par les « grands caïds « à cheval. Le cortège présidentiel gagnera, par Bab Doukkala et la pittoresque place Jemâa el Fna, l’immense palais de la Bahia, récemment aménagé en résidence pour le maréchal. Un escadron de spahis sénégalais rend les honneurs à son arrivée.
La ville nouvelle tracée en 1913 sur des terrains domaniaux commence très lentement à prendre forme. Une grande avenue incurvée rejoint la médina à travers une exubérante végétation de jardins qui précédent la grande esplanade où s’élève la mosquée Koutoubia, admirable vestige de l’épopée des Almohades.
La journée du 7 avril suffira à peine pour entre-apercevoir les principales merveilles que recèle la capitale du sud, visiter l’hôpital indigène, parcourir sous la conduite du pacha les immenses souks couverts de roseaux et faire une courte apparition à l’exposition d’artisanat inaugurée par Pierre de Sorbier quelques jours plutôt.
Le soir, le pacha donnera une féerique réception en son palais. Une multitude de serviteurs, tenant une lanterne sur la tête, feront la haie aux abords de son palais. Lui-même, debout et hiératique dans son grand burnous de laine et soies d’une blancheur de neige, « avec ses plaques, ses cordons et ses croix »
Ainsi apparut Marrakech à l’illustre visiteur : une sorte de « Bagdad au temps des califes », un grand caravansérail à l’usage des populations du sud aussi bien nomades que sédentaires.
le Glaoui accompagné d’un fils du sultan
le président au palais de la Bahia. Le président, le maréchal Lyautey et le fils du sultan derrière Lyautey
Les « grands caïds à cheval.
Fontaine du Mouassine
Mosquée la Koutoubia
Porte des Portugais
Tombeaux des rois Saâdiens
Médersa Ben Youssef – porte de la mosquée
Rencontre de Millerand et d’un pacha de Marrakech
Echange entre le Président et un enfant
Le Glaoui accompagne le président Millerand dans les souks et explique le fonctionnement du bazar
La mosquée Ben Salat
Le cortège se rend dans les jardins de Ménara
Le souk Bab Kremis
DE MARRAKECH A RABAT
Le fatiguant voyage de Marrakech à Rabat (280 km) est effectué le 8 avril, toujours dans le même brillant et tumultueux équipage trainant un nuage de poussière. On suit la route d’étapes construite par le Génie en 1912. Ben Guérir, création des Français, semble surgir d’un vaste désert. La traversée de cette morne plaine rocailleuse de Ben Guérir est d’une monotonie affligeante.
Settat est le cœur d’une région opulente et un important nœud de communications. Comme il n’y a encore qu’une méchante auberge, une diffa est offerte sous les tentes caïdales dans le jardin public.
Ber Rechid, point de départ de la voie ferrée d’Oued et Mediouna où les intérêts européens sont déjà très importants, sont traversées très rapidement par une température torride. L’immense plaine de la Chaouïa, actuel grenier à grains du Maroc, est parsemée de Koubbas, de marabouts, et de fermes à l’architecture militaire.
Autre étape, toujours très brève, à Fedhala, devenue le principal centre de pêche du pays avec sa flottille, sa sécherie, sa conserverie et sa madrague.
A la sortie de la petite ville, on retrouve dans un épais brouillard, fréquent sur le littoral, le tracé sinueux de l’ancienne piste côtière de Casablanca à Rabat.
Camp de tentes
Groupe de musiciens sur le camp
RABAT
Rabat est une capitale moderne verte et attrayante. Elle l’était déjà, avec son centre datant de l’époque du protectorat, un ensemble clair et ordonné où abondent les témoignages des audaces architecturales des années 1930-1950 … Rabat n’est pas née d’hier : ses plus anciens édifices remontent au 12ème siècle … C’est l’ensemble de ce patrimoine qui a convaincu l’Unesco d’inscrire la ville au Patrimoine mondial en 2012. (Guide vert Michelin)
Après de longues hésitations entre Fès et Rabat, cette dernière ville est désormais capitale à part entière, sorte de Washington marocaine, et plus seulement « siège des services » du Protectorat. M. Millerand va pouvoir se rendre compte de l’importance de l’appareil administratif qui fonctionne auprès de Lyautey sous le contrôle et la haute direction de Pierre de Sorbier et aussi de l’harmonieuse et fructueuse coopération réalisée avec les services marocains installés dans l’enceinte du palais impérial, rénovés et considérablement développés depuis le traité de 1912.
Pour l’entrée officielle dans la capitale, la torpédo fait place au grand landau attelé à la daumont. Plutôt détonnante dans le contexte est la présence de deux valets de pied, coiffés d’un haut de forme, surmonté d’un plumet, debout à l’arrière de la voiture.
A partir des « Trois portes » ouvertes dans le vieux rempart almohade, la nouvelle avenue de la Victoire est jalonnée par de farouches cavaliers qui forment une haie d’honneur.
Un arc de triomphe a été dressé. Les troupes présentent les armes aux alentours de la place de France.
Les populations massées sur les trottoirs et les terrasses applaudissent. Le cortège gagnera la nouvelle villa résidentielle qui n’ait pas tout à fait terminée. Cette imposante demeure adossée aux remparts, dont le maréchal est heureux de faire les honneurs, est considérée comme un chef-d’œuvre de l’architecte Laprade. C’est seulement le 16 septembre 1923 que Lyautey s’installera dans sa nouvelle résidence.
Visite de la nouvelle résidence
Des grandes baies vitrées de la résidence on découvre un panorama incomparable : les ruines almohades du Chellah, les collines de l’Aguedal et les remparts bruns de la médina au-delà desquels se dresse la célèbre tour Hassan, jumelle de la Giralda de Séville, et puis la blanche Salé et la mer.
Porte « des Oudaïas »
Rabat, vue du jardin des Oudaïas
Chella, porte principale
Vue panoramique de Rabat et la pointe « des Oudaïas »
Chella, fronton monumental abritant les tombeaux
Tour Hassan
Le lendemain de son arrivée à Rabat, par une de ces matinées un peu gluantes de lumière et de brume, caractéristiques du climat de la capitale, le président, en habit et haut de forme, vient très solennellement rendre la visite officielle que le sultan lui a faite à la résidence générale.
Le Président, reçu au palais du Sultan, est accueilli par le grand Vizir El Mokri
Personnages officiels entourant le maréchal Lyautey ; Pierre de Sorbier de Pougnadoresse est le deuxième en partant de la gauche.
L’entretien des deux chefs d’Etat se déroule dans la salle du trône. Tout le makhzen, ainsi que les membres du corps diplomatique venus de Tanger, sont présents. Conformément à son souhait, une voiture automobile de grand luxe est offerte au souverain. Elle est marquée du sceau de Salomon.
En fin de journée, le président assiste, d’une tribune dressée sur le terre-plein de Bab El Alou, au très pittoresque défilé de près de 2000 cavaliers de toutes les tribus de la région, entrainés par leurs caïds et leurs contrôleurs civils, dans un grand crépitement de coups de fusils, de cris de guerre et de hennissements. En attendant les traditionnelles fantasias.
La voiture du président se rend vers
Bab El Alou
Fête de la Hédia
Cavaliers arabes pour la fantasia
DE RABAT A MEKNES
SALE
Bien qu’un large pont la relie à la capitale, Salé la blanche étendue sur la rive droite du Bou Regreg a gardé jusqu’à ce jour une jalouse individualité, marque d’un long isolement. (Guide vert Michelin).
Enfermée dans ses hauts remparts, elle reste sur sa réserve de cité farouche, ancien repaire de corsaires. Cette petite ville, dont l’occupation remonte à 1908, a tendance à se replier sur elle-même à l’abri de ses murailles sur lesquelles claquèrent les cigognes dressées dans leurs grands nids. Elle est entourée de jardins et de vergers de grenadiers bordés de cactus. Les façades bleues du quartier juif attirent le regard.
La halte, sera brève encore que fort pittoresque, saluée par un tintamarre de noubas et de tambours et marquée par un court arrêt devant le sanctuaire de Sidi ben Achir, le grand saint local.
KENITRA
Kénitra, Port Lyautey de 1932 à 1958, a émergé en 1912 d’une mer de sables rouges, là où il n’y avait qu’un simple gîte d’étapes. Cette ville est née de la volonté du résident général de disposer d’une base d’approvisionnement en matériel pour les chantiers de construction du chemin de fer et de ravitaillement pour les troupes du Maroc septentrional.
La proximité de la plage de Mehdiya et de la grande forêt de la Manora, offre aux habitants de Kénitra un voisinage agréable. Plus qu’à mi-chemin entre Kenitra et Meknès se trouve Sidi Kacem des Cherardas, appelé Petit Jean du nom d’un capitaine tué en opérations aux premiers temps de la pacification.
Kenitra, le port de la Kasba
Mehdiya, Fort Portugais
Petit Jean, une visite
Au sortir de Petit Jean, la route traverse le défilé de Bab Tiouka et entame une longue montée du col de Zegotta (406 mètres). Serpentant dans un amphithéâtre de lignes molles s’ouvrant sur des horizons bleutés, elle gagne à travers un admirable sous-bois d’oliviers le site de Volubilis.
VOLUBILIS
Volubilis est installé sur un éperon de terre qui domine toute la plaine. Les importantes ruines romaines, ont commencé à être dégagées au début de la guerre sous la direction de l’archéologue Louis Chatelain. L’arc de triomphe de Caracalla est en cours de reconstitution. La ville sainte de Moulay Idriss dont on découvre les blanches terrasses au détour de cette petite route de montagne est toute proche. C’est là qu’est le tombeau de celui qui, « presque l’égal d’Allah pour certains Marocains », introduisit l’Islam dans le Maghreb. Lieu de pèlerinage très fréquenté au mois de mai. Danseurs et danseuses exubérants y accueillent le président de la République
Volubilis - Le forum et les portiques de la basilique
Volubilis - Ruines et colonne
Les voitures sont stationnées, pendant la visite du site.
MOULAY IDRISS
Son site étonnant et son prestige de ville sainte attirent à Moulay Idriss de nombreux visiteurs. Coiffant deux éperons rocheux, Khiber et Tasga forment deux quartiers distincts, presque deux villages ; leurs maisons étroitement serrées les unes contre les autres, séparées par un lacis de venelles, dévalent en un enchevêtrement de petits cubes gris et blancs jusqu’à une conque au creux de laquelle se détache, avec son toit de tuiles vertes, le mausolée où repose Idriss 1er le « père du Maroc » (Guide vert Michelin)
L’attente du président de la République
Vue générale de Moulay Idriss
Vue de l’est et du ravin
L’arrivée de Millerand à Moulay Idriss
Visite du président dans Moulay Idriss
Le souk de Moulay Idriss
TIMHADIT- AZROU
Non loin du piton volcanique qui lui a valu son nom, Azrou (Azrou signifie « le rocher) déploie ses maisons blanches aux hautes toitures de tuiles vertes, qui jettent une note aussi insolite que charmante. Inscrite dans un site dégagé par l’oued Tigrigra entre les hautes pentes du Moyen Atlas et l’extrême avancée de la meseta marocaine, elle se trouve à la croisée de deux grandes voies historiques du Maroc central. (Guide vert Michelin)
Par la très belle route qui maintenant escalade les premiers contreforts du Moyen Atlas, le résident général emmènera M. Millerand jusqu’à Timhadit, s’arrêtant au passage à Ito pour admirer le grandiose paysage lunaire que forme la vallée du Tigrigra et traversant de belles forêts de chênes verts et de cèdres, tapissées de pivoines en fleurs, avant de déboucher sur les hauts plateaux d’apparence désertique.
Une grande prise d’armes est organisée, le 11 avril dans la plaine de Bou Khenez. Des unités de toutes armes sont réunies auxquelles s’ajoutent la masse sombre des goumiers et au-delà les campements des tribus soumises rameutées pour la circonstance. Le président décore ceux qui se sont les plus distingués dans les combats.
M. Millerand remet la plaque de commandeur de la légion d’honneur au Pacha Beni Mellal
Sur la route vers Timhadit
Passage du président de la République à Azrou qui est situé sur la ligne de chemin de fer qui part de Meknès.
MEKNES
Bâtie sur une colline que l’oued Boufekrane sépare de la ville moderne, la ville ancienne de Meknès avec ses innombrables minarets se découvre de très loin … Si les souverains almohades et mérinides l’ont parée de monuments, c’est à Moulay Ismaïl, qui l’a promu au rang de capitale qu’elle doit son prestige et les impressionnants vestiges de ses palais. (Guide vert Michelin)
Meknès a gardé les allures de la capitale qu’elle fut aux jours glorieux de ce grand souverain, contemporain de Louis XIV. La ville nouvelle dont la première pierre a été posée par Lyautey en 1921, apparait sur le plateau d’El Hamaria couvert d’oliviers qui fait face à la ville ancienne de l’autre côté de l’oued Bou Fekrane. Dans le Maroc français, Meknès assure une double fonction : importante ville de garnison et centre majeur de la colonisation tant les terres qui entourent la ville ont été reconnues propices à toutes les activités agricoles.
Vues générales
Bab Mansour
Bab el Khemis
Bab Mansour et Bab Kechla
Bab Berdaïn
Medersa Bou inania
Lac de l’Aguedal
Ruines des greniers à grain
Porte du Palais du Sultan
Arrivée du président de la République
Haie d’honneur pour l’entrée du président
Haie d’honneur hors les murs
Accueil des notabilités hors les murs
Fête indigène
Les autruches
DE MEKNES A FES
La plaine du Saïs qui s’étend entre Meknès et Fès au sud de la chaîne formée par le Zerhoun et le Taghat est encore couverte, sur de vastes étendues, de palmiers nains, de jujubiers et d’asphodèles. La couche arable y est irrégulière. Les exploitations indigènes sont massées dans la partie très fertile qu’est la vallée alluvionnaire du Sebou ; elles sont irriguées par de grandes roues à palettes qui leur déversent les eaux du fleuve. Le président fait une courte halte à la ferme expérimentale d’Aïn Kadous.
Irrigation par de grandes roues à palette
FES
Fès est la capitale culturelle du royaume. Métropole religieuse intellectuelle et artistique du Maroc, berceau d’une monarchie millénaire, Fès fut aussi pendant longtemps la capitale politique de l’empire chérifien. Cette cité impériale rayonne aujourd’hui dans tout le royaume, pendant le Festival des musiques sacrées du monde, lorsque des mélopées venues des cinq continents rythment la vie quotidienne. (Guide vert Michelin)
Vue prise du tombeau des Mérinides
Vue prise de Bab el Maroucq vers les Méridines
Vue prise du haut du cimetière de Bab Faoud
Mosquée de Moulay Idriss
Médersa Attarine
Médersa de Bou Inania
Visite dans l’ancienne ville par le président (à droite de la photo, avec une canne, Eugène Oudaille)
DE FES A OUJDA
TAZA
Véritable citadelle bâtie à l’extrémité d’un plateau escarpé, la médina de Taza commande le couloir montagneux qui sépare le Rif du Moyen Atlas et fait communiquer les steppes du Maroc oriental avec les plaines fertiles du Maroc atlantique. (Guide vert Michelin).
Taza est une importante base militaire et une petite cité européenne qui a été édifiée au pied de la ville ancienne. Le cortège présidentiel y arrive le 14 avril, accueilli par le général Aubert, commandant de région, dont l’intransigeance vis-à-vis de ses hommes comme de lui-même en fait un personnage un peu raide. Une prise d’armes se déroule sur le terrain d’aviation, suivi d’un défilé de goumiers et de partisans (les troupes régulières sont en opération) et au cours de laquelle le président remettra solennellement, mais, parait-il, par surprise, au maréchal Lyautey la croix de guerre des théâtres d’opérations extérieures (T.O.E)
Vue générale de Taza
Ruines de la Médersa
OUJDA
Lorsque, à la tombée de la nuit, on aperçoit de loin les lumières d’Oujda, cela paraît presque un mirage. De sorte que l’arrivée est toujours accueillie par les voyageurs avec soulagement. Il s’agit pourtant d’une ville sans trop de caractère qui s’est beaucoup développée depuis 1912. La présence de la garnison, installée là depuis 1907, celle de nombreux commerçants européens et israélites ainsi que l’existence d’une bonne centaine de fermes européennes, ont beaucoup contribué à son développement. La proximité de l’Algérie à laquelle Oujda est reliée par la route et, depuis fin 1915, par le chemin de fer à voie normale, a également joué son rôle.
Pour recevoir le chef de l’Etat, l’autorité de contrôle, le pacha Si Mohamed bel Abdelouahad qui sera bientôt pressenti pour le pachalik de Casablanca, et l’armée ont déployé les fastes habituels qui, néanmoins comparés aux splendides manifestations de Fès et surtout de Marrakech, feront un peu pâle figure.
C’est M. Loubiès, membre de la commission municipale, qui adressera à M. Alexandre Millerand l’allocution de circonstance dans la grande salle de la société France-Maroc. Dès le 15 avril, en compagnie de Théodore Steeg, gouverneur général de l’Algérie qui était venu à ses devants, le cortège présidentiel quittera Oujda et le Maroc en train spécial, poursuivant vers Alger et Tunis cette grande randonnée nord-africaine. A son départ le chef de l’Etat est salué à la gare par le baron de Neuflize, vice-président du conseil d’administration de la compagnie P.L.M., groupe leader au sein de la Compagnie des chemins de fer du Maroc (C.F.M.)
La dernière étape d’Oujda, me permet d’évoquer la présence de mon oncle, Louis Baumier (1870-1941) à Oujda de février 1911 à novembre 1915, en qualité d’officier du génie pour la construction du chemin de fer. En 1898, il avait été décoré de la médaille militaire à Madagascar à l’âge de 28 ans et, en 1908, il avait reçu la croix de chevalier de la légion d’honneur. Pendant la guerre 1914-1918, il doit partir pour Salonique où il débarquera en décembre 1918. En 1924, il est nommé chef de Bataillon du Génie, puis élevé au grade d’officier de la légion d’honneur en 1927. Il est mis à la retraite pour ancienneté en novembre 1930.