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VISITE DES SOUVERAINS SUEDOIS EN FRANCE DU 22 AU 25 NOVEMBRE 1908

Lors de son accession au trône en 1907, le roi Gustave V accueille le Président de la République Armand Fallières en voyage officiel à Stockholm.

Gustave V est le descendant en ligne directe de Jean-Baptiste Bernadotte nommé maréchal d’Empire par Napoléon. Le roi Charles XIII, n’ayant pas d’héritier, la couronne de Suède lui est proposée en 1810. Napoléon, pensant pouvoir compter sur un nouvel allié en Europe du Nord, ne s’y était pas opposé. En septembre 1813, le comte de Rochechouart, émigré au service de la Russie et aide de camp de l’empereur Alexandre, rencontre le prince héritier Bernadotte, qui commandait un corps d’armée de 80 OOO Suédois, Russes et Prussiens lors de la bataille de Leipzig. Dans ses mémoires il écrit :

« Bernadotte, prince royal de Suède, né en 1764, avait alors quarante-neuf ans. Il était grand et élancé ; sa figure d’aigle rappelait tout à fait celle du grand Condé, sa chevelure épaisse et noire s’harmonisait avec le teint mat des habitants du Béarn, sa patrie. Sa tournure à cheval était très martiale, peut-être un peu théâtrale, mais sa bravoure, son sang-froid au milieu des batailles les plus sanglantes faisaient oublier ce petit défaut. Il est impossible de rencontrer un homme de manières et de langage plus séduisants, il me captiva complétement, et si j’avais été attaché à sa personne, je lui aurais été sincèrement dévoué. »

Bernadotte monte sur le trône en février 1818 sous le nom de Charles XIV Johan et meurt en 1844.

Gustave V épouse Victoria de Bade. Par ce mariage la famille Bernadotte s’allie à une princesse issue de l’ancienne famille Vasa. En effet, la princesse est l’arrière-petite-fille du roi déchu Gustave IV de Suède et la seule cousine germaine allemande de l’empereur Guillaume II. La reine Victoria exerce une grande influence sur son mari et le couple est soupçonné de germanophilie excessive. Mais le 18 décembre 1914, Gustave V accueille à Malmö, Christian X de Danemark et Haakon de Norvège afin de définir une politique commune de neutralité face à l’Europe faisant taire les rumeurs de germanophilie. En 1940, la Suède reste neutre ce qui lui permet d’accueillir les Danois juifs en fuite.

Gustave V apprend à jouer au tennis en 1878 à l’occasion d’un séjour au Royaume Uni. Il fonde à son retour le premier club suédois consacré à ce sport. En 1912, il préside l’ouverture des cinquièmes jeux olympiques d’été qui se déroulent à Stockholm.

Gustave V meurt le 29 octobre 1950 à l’âge de 92 ans en son château de Drottningholm sur l’île de Lovön à l’ouest de Stockholm.


 

VISITE DES SOUVERAINS SUEDOIS EN FRANCE

Le Grand Echo du Nord de la France informe ses lecteurs que, le 18 novembre 1908, à la Chambre, la commission du Budget a voté, sur rapport du président Deschanel, un crédit de 250 000 Fr qui lui était demandé pour les frais de réception du roi de Suède, invité par le président de la République Armand Fallières lors de son récent voyage en 1907, dans les pays scandinaves.

Le Figaro du 23 novembre 1908 publie un article d’Eugène Lautier (1867-1935), qui après des études de droit à Paris, entreprend une carrière de journaliste. C’est un républicain laïque hostile aux catholiques et aux communistes. Il sera élu à la chambre des députés de mai 1924 à mai 1932.

Eugène Lautier écrit « La physionomie du feu roi Oscar II, père de Gustave V, était très populaire parmi nous. Il plaisait à cause des dons brillants de son esprit et aussi parce que les Français reconnaissaient en lui une vivacité et une facilité toutes françaises. Nous admirons volontiers ce qui nous ressemble. Oscar II était bien un Bernadotte et ne le laissait pas oublier. Il y aurait, en ce jour inconvenance à comparer le feu roi Oscar II et S. M. régnante Gustave V…. Après les effusions auxquelles se prêtait d’une manière si touchante le tempérament de l’ancien roi, l’heure vient d’établir entre la Suède et la France des relations de pleine confiance et d’amitié réelle. S. M. Gustave V est l’homme de cette étape historique. Il apporte au pouvoir des qualités éminentes de sincérité, d’esprit pratique et de clairvoyance. Il les a révélées dès ses premiers actes royaux et il a conquis aussitôt le dévouement et l’affection de ses sujets…. La Suède n’a pas à prendre parti entre les puissances dont les gouvernements divers, les alliances et les ententes assurent l’équilibre de l’Europe. Ce n’est pas son rôle et ce n’est pas son intérêt. Mais nous avons confiance dans la loyauté de S. M. Gustave V pour laisser revivre les sympathies franco-suédoises qui n’avaient pas toujours été suffisamment sauvegardées. Il suffit de leur donner libre cours pour créer entre la Suède et la France le lien nécessaire des solidarités économiques. L’accueil si chaleureux qui fut fait à M. Fallières par la nation suédoise a montré que nous pouvions semer sans crainte un sol qui ne sera pas stérile ».


 

PREMIERE JOURNEE

ARRIVEE DES SOUVERAINS SUEDOIS A CHERBOURG

« Le 22 novembre, à sept heures du matin, tous les bâtiments de l’escadre du Nord tirent chacun une salve de 21 coups de canon au moment où le yacht royal « Victoria-and-Albert » pénètre dans l’arsenal. Le temps est pluvieux, le vent souffle de l’ouest.

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A 8 heures 40, le vice-amiral Bellue monte à bord du Yacht pour saluer les souverains. L’amiral Collin Keppel les accueillent sur le pont du yacht. Le roi porte l’uniforme d’amiral suédois avec le grand cordon de la légion d’Honneur ; la reine porte une exquise toilette mauve ; elle est coiffée d’un élégant toquet mauve, relevé de plumes marrons et roses blanches. La musique anglaise joue l’hymne royal suédois. Le roi remercie le commandant du « Victoria-and-Albert » pour ses bons services, puis franchit la passerelle, les clairons sonnent aux champs. Le roi s’arrête devant le drapeau du 5° colonial et fait le salut militaire. Il se dirige vers le salon, le préfet de la Manche, au nom du Président de la République et du gouvernement, reçoit officiellement les souverains et leur présente des souhaits de bienvenue sur le sol de France. Au cours d’une conversation avec le maire de Cherbourg, le roi exprime le souhait de pouvoir revenir à Cherbourg pour passer une demi-journée afin de visiter la ville.

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LE DEPART POUR PARIS

Neuf heures sonnent à l’horloge de la Majorité générale de Cherbourg, le roi et la reine remercient une dernière fois les autorités ; puis guidés par le directeur adjoint du protocole, ils se dirigent vers le train royal. Au moment où le cortège monte dans le sleeping-car, la musique d’infanterie coloniale joue l’hymne suédois, les troupes portent les armes, baïonnettes au canon. Tous les assistants se découvrent. Les souverains, à la portière du wagon, saluent à nouveau. A partir de la porte de l’Arsenal, la voie ferrée est gardée militairement. A neuf heures cinq, le convoi arrive en gare et quitte la voie stratégique. Les canons du Fort du Roule retentissent de 101 coups de canon, pendant que le train file à toute allure en direction de Paris. Le yacht royal « Victoria-and-Albert » a quitté l’arsenal à dix heures, a gagné la rade et a fait route pour Portsmouth.

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A PARIS

Sur le quai de la gare du Bois de Boulogne, la haie est formée par des soldats de la garde républicaine avec le drapeau et la musique. On entend les musiques militaires jouer la marseillaise, c’est le président de la République et Madame Fallières qui arrivent à la gare. Tous deux avec le général Ménestrel dans une voiture attelée à la daumont et précédée du piqueur. Les laquais sont en grand costume de gala. Madame Fallières porte une très jolie robe et une longue jaquette de velours gros vert, avec sur les épaules une large étole de fourrure. Elle est coiffée d’une toque de velours gros vert, garnie de plumes noires et porte un grand manchon de la même fourrure que l’étole.

A 3 heures 30, d’un tunnel surgit la locomotive du train royal, toute garnie de drapeaux. La musique de la garde républicaine attaque l’hymne suédois. Au loin le canon résonne pour la salve réglementaire de 101 coups.

Le roi parait très fatigué, cela ne surprend personne quand on sait la terrible traversée qu’a subi le « Vitoria-and-Albert » pour venir d’Angleterre en France. La reine, qui semble mieux portante, est charmante. Elle porte une élégante toilette en velours « lie de vin » un simple tour de cou en fourrure et une toque de même couleur que la robe avec des plumes assorties et des roses blanches piquées sur le côté.

A la sortie de la gare les honneurs militaires sont rendus. La reine et Madame Fallières accompagnées du général Ménestrel montent d’abord en voiture. Le roi et le président s’assoient dans la seconde calèche laquelle prend ensuite la tête du cortège. Six autres voitures derrière les deux daumonts portent les personnages de la suite. Le cortège encadré par les cuirassiers se dirige vers le Palais d’Orsay.

Après avoir pris quelque repos le roi a reçu le corps diplomatique, accrédité auprès du gouvernement français, dans la grande salle des fêtes.

A huit heures, les souverains suédois sont arrivés à l’Elysée pour le dîner. A leur descente de voiture le roi et la reine ont été reçus par M. Mollard, introducteur des ambassadeurs. Le roi, en habit arborait sur la poitrine la plaque de grand officier de la légion d’Honneur. La reine portait une toilette soie crème avec incrustation de broderie. Le dîner était servi dans la salle à manger du rez-de- chaussée, la table comprenant cinquante-quatre convives.

Après le repas, le roi et la reine ont dit au président de la République et à Madame Fallières combien ils avaient été touchés par l’accueil qui leur avait été fait, aussi bien à Cherbourg qu’à Paris. Le roi s’est entretenu avec Clémenceau, président du conseil, Pichon, ministre des Affaires étrangères ainsi qu’avec les autres convives. Le roi et la reine ont quitté l’Elysée un peu avant dix heures avec le même cérémonial qu’à l’arrivée.


 

DEUXIEME JOURNEE

Le 23 novembre, le roi de Suède complétement remis des fatigues de la veille, s’est levé de bonne heure. Le souverain était de fort bonne humeur et n’a pas caché la joie qu’il éprouvait de l’accueil enthousiaste que la population lui avait fait à son arrivée.

Le président de la République, accompagné de M. Ramondon, secrétaire général de la présidence, vint prendre le roi au ministère des Affaires étrangères vers 9 heures 30. Les deux chefs d’Etat et leur suite firent à pied le court trajet séparant le ministère de la gare des Invalides. Ils montèrent dans un train spécial qui partit à 9 heures 55.

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A RAMBOUILLET

Le train royal entre en gare à 10 heures 40. Devant la gare sont rangées les voitures attelées en poste. Les honneurs militaires sont rendus par un escadron du 12° cuirassiers, avec l’étendard. Le roi et le président sont reçus à leur descente de wagon par le préfet de Seine et Oise entouré des élus et des autorités locales. Après les présentations, le roi et le président montent dans la première voiture. A l’instant où il veut s’asseoir, un violent coup de vent emporte le chapeau mou du roi. On se précipite, on ramasse le chapeau qui est un peu taché de boue. Que faire ? le roi souriant tend la main pour reprendre son chapeau en disant « donnez, ça ne fait rien ». Le cortège est formé et au trot on file vers le château, par la rue Nationale, très bien décorée. A onze heures, le roi et le président pénètrent dans la salle à manger où une table de trente couverts est dressée.

Le déjeuner étant terminé, on s’équipe pour la chasse. Le roi qui a changé son binocle d’or contre des lunettes à grands verres ronds, porte un costume en drap vert et des guêtres de toile jaune. Le président a quitté son costume de ville pour un complet de chasse confortable. Peu de tireurs ont pris part aux battues. Il y a neuf chasseurs MM. Clémenceau, de Trolle, ministre des Affaires étrangères de Suède, Gyldenstolpe, ministre de Suède, le comte Thott, grand veneur et MM. Pichon, ministre des Affaires étrangères, Ruau, ministre de l’Agriculture, le baron Thott, le général Ménestrel et le colonel Lasson.

Dès la première battue, on peut se rendre compte que Gustave V est « un bon fusil ». A la fin de la chasse on compte au tableau : 324 faisans, 4 chevreuils, 1 cerf, 352 lapins, 3 lièvres, 10 perdreaux, 1 bécasse. Le roi à lui seul a tué 107 pièces dont 79 faisans, 26 lapins, 1 lièvre, 1 perdrix. Le président de la République qui a tué le cerf a un tableau à peu près analogue. Le roi enchanté de sa journée a vivement félicité le colonel Lasson qui était chargé d’organiser la chasse.

Après un lunch, servi dans la salle à manger du château, le roi et le président ont repris le train pour Paris où ils sont arrivés à 5 heures 30.

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LA JOURNEE DE LA REINE

La reine Victoria a passé la journée en compagnie de la comtesse Gyldenstolpe et des personnes de sa suite avec lesquelles elle a déjeuné dans ses appartements. A trois heures, sa majesté, accompagnée de la comtesse Gyldenstolpe, est sortie en voiture et a fait une promenade dans la rue de la Paix, sur les boulevards, sur les Champs-Elysées et au bois de Boulogne. Elle est rentrée au Palais d’Orsay avant le retour du roi.

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DINER DE GALA A L’ELYSEE

Les souverains suédois ont assisté au grand dîner donné en leur honneur par le président de la République et Madame Fallières. Le roi était en grande tenue d’amiral avec le grand cordon de la légion d’Honneur en sautoir. La reine portait une magnifique toilette en soie gris perle pailletée d’argent. Sur sa tête était posé un diadème en brillants. La table en forme de fer à cheval était ornée des roses de France, au milieu desquelles émergeaient les délicieuses danseuses de Léonard en biscuit de Sèvres et les célèbres groupes de Fremiet représentant des scènes de chasse. Au désert, M. Fallières porte un toast au roi qui lui répond « C’est du fond de mon cœur que je vous remercie des paroles aimables que vous venez de nous adresser. Nous éprouvons, la reine et moi un plaisir tout particulier à nous trouver aujourd’hui en ce beau pays de France, au milieu d’un peuple auquel je suis attaché par des liens de sang et par des sentiments de sympathie invariable et nous sommes profondément touchés de l’accueil grandiose et extrêmement cordial qui nous est fait depuis notre arrivée en France. Nous en conserverons un impérissable souvenir.

Je vois dans cet accueil non seulement une manifestation de cette exquise courtoisie qui est une des qualités traditionnelles des Français mais aussi quelque chose de plus. Je me plais à y voir une preuve des sentiments de constante amitié et de sympathie sincère qui, datant des siècles passés, unissent la Suède et la grande nation à la tête de laquelle vous êtes placé. La France sait combien la Suède apprécie ces sentiments. Je me sais en plein accord avec tout mon peuple quand j’exprime l’espoir que les rapports d’amitié cordiale entre nos deux pays se développeront encore dans l’avenir et se fortifieront de plus en plus ».

Une charmante soirée théâtrale a terminé la fête de l’Elysée. Le roi a félicité tous les artistes et S. M. Gustave V l’a fait en termes particulièrement flatteurs pour Madame Bartet qui a déclamé, avec son admirable talent, le texte de Béranger « la tourterelle et le papillon » et Madame Jeanne Raunay qui fut l’incomparable interprète des mélodies de Gabriel Fauré. Le souverain a pris congé de M. et Mme Fallières et a été reconduit avec le même cérémonial qu’à l’arrivée jusqu’à son palais.


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TROISIEME JOURNEE

Le 24 novembre, S.M. Gustave V, accompagné du général Ménestrel, est allé hier matin à 10 heures 30, rue Dante rendre visite à Emile Loubet, ancien président de la République.

A 11 heures, le roi est rentré directement au palais d’Orsay pour y recevoir à onze heures et demie, les membres de la colonie suédoise. Le ministre de Suède à Paris a d’abord présenté à son souverain une délégation des consuls de Suède en France.

Sa majesté a reçu ensuite les membres du consistoire Luthérien de Paris qui lui ont offert un livre historique dont le souverain a agréé l’hommage. On sait que lors de la révocation de l’édit de Nantes, les luthériens français trouvèrent asile, pour l’exercice de leur culte auprès des Norvégiens établis dans le royaume de Suède. Mme Léonie Bernardini-Sjoestedt, et MM. René Millet et Charles Rouvier, anciens ministres de France à Stockholm ont été introduits auprès de sa majesté ainsi que le lieutenant Henri Bernadotte apparenté à la famille royale de Suède. Mme Sjoestedt a publié en 1908 un essai sur la psychologie d’un peuple et d’une terre.

Dans le grand salon du premier étage se réunissaient au nombre de 150 à 200 personnes les membres de la colonie suédoise.

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AU DEJEUNER

A 12 heures 30, le ministre des Affaires étrangères et Mme Pichon ont offert en l’honneur de LL. MM. le roi et la reine de Suède, un grand déjeuner auquel ont assisté le président de la République et Mme Fallières ainsi que M. Ramondon, secrétaire général de la présidence.

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A L’HOTEL DE VILLE

Le crépuscule commençant à envelopper de voiles sombres le palais municipal, les rampes de gaz flamboient, illuminant la place où grouille une foule de curieux, maintenue péniblement sur les terre-pleins par le service d’ordre.

Il est cinq heures, les voitures du cortège sont saluées au passage par de chaleureuses acclamations. La porte centrale de l’Hôtel de Ville est surmontée d’un dais de velours grenat frangé d’or et que décorent de chaque côté des massifs de plantes vertes. Des faisceaux de drapeaux suédois et français flottent aux fenêtres du premier étage.

Les voitures royales se sont arrêtées devant le perron qui donne accès à la salle des Prévôts. Les gardes municipaux en tenue de gala, culottes blanches et revers rouges, encadrent l’entrée. La porte s’ouvre toute grande et le roi qui donne le bras à Mme Fallières franchit le seuil de l’Hôtel de Ville. M. Fallières a offert le bras à la reine de Suède. Le Roi a revêtu un uniforme noir à brandebourgs d’or. Il porte la culotte de cheval et il est chaussé de bottes à l’écuyère. La Reine grande et affable, est habillée d’une merveilleuse robe de satin gris. Son manchon et ses fourrures sont en hermine. Mme Fallières en robe mauve, porte une fourrure en zibeline.

Les souverains traversent la salle des prévôts pour arriver dans la cour d’honneur aménagée en jardin d’hiver avec quel art et quel éclat ! Un grand vélum formant plafond au-dessous duquel est suspendu un immense lustre en forme de soleil d’où tombent des torrents de lumière électrique blanche. Un tapis vert recouvre les dalles de la cour et des étoffes de satin vert d’eau garnissent tous les encadrements des fenêtres.

M. Chérioux, président du conseil municipal et M. de Selve, préfet de la Seine prononcent chacun un discours auxquels le Roi répond avec éloquence. Le cortège se reforme et se dirige vers la grande de salle de fêtes en montant par le grand escalier d’honneur. Les trompettes de la garde résonnent en fanfare.

Un chemin bordé de massifs de fleurs, chrysanthèmes blancs et marguerites, les fleurs préférées de la Reine, a été réservé au centre de la salle des fêtes. Les invités de la ville se tiennent en rangs pressés, à droite et à gauche du chemin. La Reine, qui sourit et salue, est accueillie par des acclamations.

Les souverains ont fort goûté le concert qui comprenait des morceaux de musique de la garde et des morceaux chantés par des artistes de l’Opéra-comique et enfin des danses grecques et orientales par le corps de ballet. Il était plus de six heures au moment d’entrer dans le salon des Arcades où les cadeaux étaient exposés et où le buffet était dressé. M. Chérioux a porté le premier toast. La musique a joué l’hymne royal suédois. Le Roi a levé son verre à la santé des représentants de Paris et à la prospérité des habitants de la ville de Paris. La musique a joué la marseillaise.

M. Mollard est un peu inquiet du temps qui passe, il est déjà 6 heures 30. M. Chérioux, le préfet et les membres du bureau ont reconduit le roi Gustave V et la Reine jusqu’à leur voiture. Les souverains ont dîné aux palais des Affaires étrangères dans leurs appartements avec les personnes de leur suite.

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LE GALA DE L’OPERA

Le président de la République et Mme Fallières, en grand équipage, sont venus chercher le Roi et la Reine pour les conduire à la représentation de gala de l’opéra.

Au moment où les souverains ont paru dans la loge tous les spectateurs portant l’uniforme ou l’habit avec leurs décorations se sont levés pendant que l’orchestre jouait l’hymne Suédois.

Le spectacle qui commence par le troisième acte d’Hyppolyte et Aristide de Rameau, se poursuit par le premier tableau du troisième acte du Crépuscule des dieux et le premier acte de Namouna d’Edouard Lalo. Les éminents chanteurs qui se sont fait entendre ont eu en la personne de S. M. Gustave V non seulement un auditeur royal mais aussi un artiste. Le roi Oscar II, son prédécesseur, outre un poète était un musicien épris de chant. Gustave V avait, étant prince royal, présidé l’académie de musique et son fils, suivant son exemple, a, lui aussi, présidé les séances de la célèbre compagnie et en a dirigé les débats.

A minuit moins le quart la représentation prend fin. Le Roi et la Reine regagnent le palais des Affaires étrangères en landau, précédés de l’escorte officielle des cuirassiers.


 

CINQUIEME JOURNEE

Le 25 novembre, le président de la République et le secrétaire général de la présidence sont venus, un peu avant 10 heures, pour retrouver le Roi au Palais d’Orsay et l’emmener au musée du Louvre.

VISITE DU LOUVRE

Le cortège est formé seulement de deux voitures, la daumont présidentielle pour les deux chefs d’Etat et un landau, où prennent place, en quittant le ministère, M. Pichon, ministre des Affaires étrangères, le comte Gydenstolpe et M. Ramondon. Une escorte de gardes municipaux et de dragons armés de lances encadre les voitures.

Au pavillon de l’horloge, le ministre de l’Instruction publique, le sous-secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts, le directeur des musées nationaux, les conservateurs du Louvre, reçoivent le souverain. Le préfet de Police et le directeur du protocole, M. Mollard dirigent la promenade.

La visite dure deux heures. Elle débute par la galerie des tombeaux, et la galerie basse des antiques, avec la Vénus de Milo. En revenant vers l’escalier Daru, sur un palier, s’épanouit la Victoire de Samothrace. Dans la galerie d’Appolon, Gustave V est, dès l’entrée, émerveillé, notamment par la vierge en vermeil de l’abbaye de Saint-Denis du quatorzième siècle. Dans le salon carré, ce sont les peintures de Vinci, Raphaël, Véronaise. Dans les galeries qui suivent ce sont les peintures de Ribera, Murillo, Holbein, Rubens, Rembrandt et Van Dyck.

Dans un salon de repos ont été placés, sur le bureau de Colbert, des albums reliés en maroquin rouge où sont réunis cinq cents gravures tirées à partir des meilleures et des plus célèbres planches originales de la chalcographie du Louvre qui en possède plus de 10 000. Ces deux albums sont un don du gouvernement français aux souverains Suédois. Le roi remercie avec émotion M. Fallières et les ministres présents. La joie que lui cause ce présent est visible.

Puis le cortège gagne la galerie du bord de l’eau et l’ancienne salle du trône où sont exposés des peintures de Philippe de Champaigne, Greuze, Watteau, Delacroix et Ingres.

A midi, en bas de l’escalier Jean Goujon, le Roi et le Président retrouvent leur voiture.

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LE DEJEUNER A LA LEGATION

Le roi et la reine de Suède, accompagnés du général Ménestrel, ont quitté vers 12 heures 30, le Palais des Affaires étrangères pour se rendre à l’hôtel de leur Légation où son Excellence le ministre de Suède et Mme la comtesse Gyldenstolpe ont offert un déjeuner en leur honneur. Le président de la République et Mme Fallières se sont rendus directement avenue Marceau. Ils ont été reçus par le Roi qui a offert à Mme Fallières une gerbe d’orchidées, de roses et de lilas.

S. M. Gustave V, après son retour au Palais d’Orsay, est sorti avec le général Ménestrel vers 3 heures 30 pour faire une promenade dans Paris. Il s’est fait conduire rue de la Paix. Sa Majesté est entrée chez Cartier où il est resté fort longtemps.

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LE DEPART DES SOUVERAINS

La foule qui attendait depuis 6 heures 30 le passage du Roi et de la Reine était aussi nombreuse que le jour de l’arrivée des souverains, bien que le parcours se limitait à la traversée de la rue de Constantine pour atteindre le train dans la gare des Invalides.

Les souverains se rendent à Karlsruhe auprès du grand-duc Frédéric II de Bade, frère de la reine Victoria et de sa mère, la grande duchesse douairière de Bade qui est la sœur du défunt empereur d’Allemagne Frédéric III et la tante de l’empereur Guillaume II. Leurs Majestés ont dîné dans le train entre Paris et Noisy le Sec où ils ont pris la ligne de l’Est.

Après une semaine à Karlsruhe les souverains Suédois feront leur visite officielle d’avènement à S. M. l’empereur d’Autriche. Le ministre des Affaires étrangères de Suède, M. de Trolle, quitte Paris dans quelques jours pour se trouver en même temps qu’eux à Vienne.

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Le yacht Royal Victoria-and-Albert après que les souverains aient débarqué à Cherbourg,  quitte la rade pour faire route vers Portsmouth.

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Départ de Cherbourg.

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Après l'arrivée des souverains à la gare du bois de Boulogne,
le roi de Suède et le président Fallières se dirigent en calèche vers le palais d'Orsay.

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A leur arrivée à la gare, le roi et le président prennent place dans la première voiture qui se dirigent vers le château de Rambouillet.

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à la chasse au château de Rambouillet

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La daumont présidentielle pour les deux chefs d'état arrive au pavillon de l'horloge pour la visite du Louvre.

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