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Visite en France du roi d’Espagne (octobre 1919)

M. Quinones de Leon est allé rejoindre le roi en gare de Saint-Sébastien où Alphonse XIII avait été reçu sur le quai par la reine mère et toutes les autorités. Après avoir assisté dans l’après-midi à une partie de pelote basque, le roi s’était rendu en automobile à Hendaye où l’attendait le train de la compagnie d’Orléans.

Il fut rejoint à la frontière par M. Oudaille, commissaire spécial qui reste attaché à sa personne pendant son séjour en France. Le roi arrive à la gare d’Orsay le 20 octobre 1919 à 10 heures 20.

Le journal le Petit Parisien du 21 octobre informe ses lecteurs que l’état de santé de la reine d’Espagne l’empêchera de rejoindre le roi à Paris. La souveraine partirait directement pour Londres en cas d’amélioration de son état de santé.

Alphonse XIII est en pardessus gris, chapeau de feutre, une cravate violette noué en régate autour d’un col mou. Il porte toujours aussi jeune, la figure illuminée de ce bon sourire de franchise qui lui a conquis toutes les sympathies.

Par l’ascenseur, où a été placé un fauteuil doré, le roi accède à l’étage supérieur où l’attendent auprès du petit salon de réception de nombreuses personnalités. Alphonse XIII a un mot aimable pour chacun. C’est ainsi qu’il annonce à M. Widor que l’institution de la villa Velasquez destinée, sur le modèle de la villa Médicis, aux jeunes artistes français à Madrid est en bonne voie de formation.

La population parisienne a fait au roi Alphonse XIII dès son arrivée un accueil extrêmement chaleureux. Alphonse XIII aime Paris et il y est aimé. Dès qu’il apparait la foule le salue de vives acclamations : Vive le Roi ! Vive Alphonse XIII ! Vive l’Espagne !

Le roi souriant, répond d’un geste gracieux de la main et monte dans l’automobile qui s’éloigne rapidement. La foule rompant les barrages, criant, agitant mouchoirs et chapeaux s’élance vers la voiture à son passage.

A l’hôtel Meurice, les souverains disposent de deux appartements complets, celui du roi et celui de la reine dont les fenêtres s’ouvrent sur les Tuileries. Chacun se compose de deux salons, dont un de réception, de deux chambres à coucher avec cabinets de toilette et salle de bain et d’une grande salle à manger. Ces deux appartements réservés de façon permanente n’ont jamais été occupés que par le roi. En quelque sorte le pied à terre de celui-ci, à Paris où il aime se retrouver à l’occasion de voyages privés. Car c’est-ici, parait-il, le terme consacré. Le roi ne vient pas à Paris incognito, mais en voyage privé.

Après un déjeuner à l’ambassade, le roi monte en automobile à 15 heures accompagné par M. Quinones de León pour déposer sa carte à la présidence de la Chambre, au ministère de la Guerre, à la présidence du Sénat, au conseil supérieur de la guerre, à l’école militaire enfin au Palais de l’Elysée.

Désireux de revoir les grands boulevards, Alphonse XIII donne au chauffeur l’ordre de les parcourir à vive allure. Reconnu à son passage place de l’Opéra et boulevard des Capucines, il a été acclamé chaleureusement.

Rentré à l’ambassade, il reçoit diverses délégations. Ces rencontres furent profondément émouvantes, car s’y affirmèrent d’une manière touchante l’amitié du roi pour la France, sa bonté pour tous ceux qui ont souffert de la guerre et son admiration pour nos héros. Elles n’eurent rien de ce qui caractérise d’ordinaire les visites officielles où la réserve protocolaire bride un peu l’expression de la gratitude et des sympathies ; elles furent au contraire empreintes d’une grande bienveillance de la part de l’hôte royal. L’émotion des veuves et des orphelins, la fierté des soldats, la satisfaction des groupes sociaux présentés au roi, disaient assez la nature et la force des sentiments éprouvés par tous.

Le roi a reçu une délégation des jardins ouvriers de Paris, le cortège en deuil des veuves et des orphelins de la guerre réunis dans l’œuvre des Bons Enfants.

Une des veuves lut une adresse : « nous n’oublierons jamais que c’est par l’intermédiaire de vos majestés qu’un si grand nombre de mères et de jeunes françaises ont été consolées, leur fils retrouvés leurs frères guéris dans les hôpitaux, leurs maris délivrés des souffrances de l’exil … »

Alphonse XIII a répondu : « je félicite les femmes françaises de leur courage à supporter le sacrifice qu’elles avaient fait de leurs maris …. Je vous parle en soldat et pour un soldat il n’est pas de plus beau trépas que sur le champ de bataille pour la défense de sa patrie ».

Le roi a reçu une délégation de l’Institut représenté par MM. Giraud, Widor, Bonnat, Saint-Saëns et le baron Edmond de Rothschild puis l’association nationale des combattants, le général Léon Durand, défenseur de Nancy en 1914, qui a remercié le souverain de ce qu’il avait fait pour les prisonniers de guerre. Il a reçu également le comte Bonin-Longare ambassadeur d’Italie, Maitre Henri-Robert bâtonnier de l’ordre des avocats, un humble poilu, le soldat Crespin qu’il fit rapatrier d’Allemagne. C’est le maréchal Foch qui a clos la série des réceptions.

Un peu avant 20 heures, le roi est parti pour le Palais de l’Elysée où le président de la République et Mme Poincaré offraient un diner en son honneur. Alphonse XIII en tenue civile a été vivement acclamé. Au diner assistaient : Clemenceau président du conseil, Antonin Dubost président du Sénat, M. Deschanel président de la chambre des députés et Mme Deschanel, M. Pichon ministre des Affaires étrangères et Mme Pichon, M. Klotz ministre des Finances et Mme Klotz, le maréchal Joffre, le général et Mme Lyautey, le général Gouraud, M. Alapetite ambassadeur de France à Madrid. La musique de la garde s’est fait entendre pendant le repas.

Le roi est rentré à l’hôtel Meurice à 22 heures 20.

DEUXIEME JOURNEE

A 11 heures 30 le roi arrive à la gare des Invalides pour se rendre à Rambouillet. Le roi portait un élégant complet gris clair, avec des Knickerbockers. Il était coiffé d’un feutre mou gris-vert et chaussé de gros brodequins noirs. Le maréchal Foch avait un chapeau melon, un pardessus de ville et des Leggins en cuir jaune. Les autres invités avaient revêtu des costumes sport.

A 11 heures, M. Poincaré est arrivé à son tour accompagné du général Pénelon. Le déjeuner a été servi dans le train.

Le souverain et le président arrivent à Rambouillet à 13 heures. Le roi a passé en revue devant la gare le 4° hussards qui rendait les honneurs. Puis il est monté en compagnie de M. Poincaré et du général Pénelon dans le break présidentiel attelé de quatre superbes chevaux noirs. Les invités ont pris des landaus conduits par des postillons. La chasse s’est terminée à 16 heures 45.

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Le roi Alphonse XIII chasse à Rambouillet. M. Oudaille, à droite, derrière le roi, observe le résultat du tir.

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A 17 heures 20 le roi et le président étaient de retour à la gare de Rambouillet. Le roi s’arrêta pour recevoir une fillette, sa filleule Mlle Schneider, fille du commandant Schneider qui fut blessé lors de l’attentat de la rue de Rohan.

En effet il y a quatorze ans, le 31 mai 19O5, lors du passage du cortège du roi d’Espagne et du président Loubet une bombe est lancée à l’intersection de la rue de Rohan et de la rue de Rivoli par un anarchiste espagnol. Dix-sept personnes sont blessées.

A 18 heures 15, le train royal arrive à Paris. Alphonse XIII se rend à l’hôtel Meurice puis à l’ambassade où il offre un diner.

TROISIEME JOURNEE

Le souverain arrive le matin pour prendre le train spécial accompagné du colonel Blavier, du commandant Féquant ainsi que M. William Martin, du directeur de la Sûreté générale et de M. Oudaille. Le maréchal Pétain avait quitté Paris à 9 heures 45 pour rejoindre le roi à Verdun.

A la gare, avec un respect et une émotion que tout le monde remarqua, Alphonse XIII salua le drapeau mutilé du 132° d’infanterie qui s’inclinait devant lui.

Aux portes de la ville de Verdun, le maréchal Pétain attendait le roi. Qui reconnaitrait Verdun en ce temps-là ? La ville n’est que ruines.

A chacun de nos pas nous gravissons un douloureux calvaire : des tombes, des croix, des cimetières. Au cimetière du faubourg pavé, le roi s’avance vers la croix immense, il s’arrête et salue en soldat. Il a pris dans ses bras une couronne de roses et d’orchidées qui porte l’inscription suivante : « Le roi d’Espagne aux défenseurs de Verdun tombés pour la grandeur de leur patrie ». Un instant le souverain s’est recueilli, puis il a relevé la tête, des pleurs cillaient à ses paupières.

La campagne s’étend, morne et grise, trouée, bouleversée, ravagée, effroyablement lugubre et désolée. Le fort de Vaux commande le plateau sur lequel il est assis et prend à revers le plateau de Douaumont. A Douaumont et à Vaux, le maréchal Pétain explique à Alphonse XIII la bataille de Verdun.

A la Cathédrale et à l’Evêché de Verdun le roi est reçu par Mgr Ginisty entouré de son chapitre. Evêque de Verdun jusqu’à sa mort en 1947 à l’âge de 83 ans, il est l’initiateur de l’ossuaire de Douaumont.

L’évêque lui dit combien il est heureux de le recevoir dans cette ville qui a conquis une gloire immortelle grâce à nos soldats, et au chef valeureux qu’il a la joie de recevoir. Le roi remercie puis, après s’être agenouillé dans une chapelle, il visite l’édifice et le presbytère.

Et tandis que les cloches des églises sonnent à toute volée, le roi d’Espagne et le maréchal Pétain se rendent à la gare pour rejoindre Paris. Le train arrive à destination à 17 heures 30. Le roi gagne l’hôtel Meurice. A 20 heures il offrait 77 avenue Marceau à l’hôtel particulier de l’ambassadeur d’Espagne un diner en l’honneur du président et de Mme Poincaré. Le roi est rentré à l’hôtel Meurice à 22 heures 30.

Le souverain quittera Paris à la gare du Nord, le 23 octobre 1919, pour se rendre à Londres par Boulogne-sur-mer

Le journal le Petit Parisien du 23 octobre informe ses lecteurs que l’état de santé de la reine d’Espagne lui a permis de quitter le lit. Elle reste dans son appartement. Le jour de son départ n’est pas encore fixé.

Finalement elle rejoindra son mari à Londres le 27 octobre

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Alphonse XIII est accueilli par le maréchal Pétain à son arrivée à Verdun

A la gare le roi salue le drapeau mutilé du 132° régiment d’infanterie

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Le roi et le maréchal en automobile lors de leur visite

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Le roi au cimetière de Verdun

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A Douaumont et au fort de Vaux le maréchal Pétain fournit des informations au roi sur le déroulement de la bataille de Verdun

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Visite du roi de la cathédrale et de l’évêché de Verdun en compagnie de l’évêque Mgr Ginisty

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Arrivée d’Alphonse XIII à Boulogne-sur- mer

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Le roi se dirige vers le paquebot Nord

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le roi, pendant la traversée, accompagné d’officiers généraux français et anglais

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La reine d’Espagne qui doit rejoindre le roi à Londres le 27 octobre arrive à Boulogne-sur-mer

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La reine sur le quai de la gare. De gauche à droite au premier plan en costume civil E. Oudaille qui tient son chapeau à la main et Quinones de Leon

La reine embarque sur le paquebot Riviera

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La reine voyage avec son fils Don Jaime.

Le livre « 150 ans de la famille Oudaille » décrit les trois séjours du roi d’Alphonse XIII en 1913 et en 1919 qui font l’objet de photos de Presse :

  • Pages 101 à 112 pour les deux séjours des souverains en 1913

  • Pages 159 à 162 pour la visite du roi d’Espagne en 1919

 

Il faut ajouter un très court compte-rendu de la visite du roi Alphonse XIII à Bordeaux en 1924, page 190. L’intérêt de cet événement est la présence, du roi et de son second fils don Jaime à la finale du championnat de France de rugby.

L’infant d’Espagne, né le 23 juin 1908, devint sourd puis muet au cours de sa petite enfance après avoir été opéré des oreilles d’une double mastoïdite survenue en 1912 et qui avait été mal soignée. Plus tard il apprit à lire sur les lèvres et recouvra partiellement l’usage de la parole.

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Une photo où la reine est seule et celle où elle est avec son fils Don Jaime

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Il n’est pas impossible que ces photos aient été prises en 1919 lors de son passage à Paris pour rejoindre le roi à Londres.

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