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Inauguration de la tranchée des baïonnettes

Le 8 septembre 1920 à Verdun par le président Millerand

(Journal l’Excelsior du 9 septembre 1920)

Depuis l’armistice, cette tranchée a toujours été, pour les visiteurs de Verdun, l’objet d’une piété profonde. Parmi les visiteurs, sir Hugh Wallace, ambassadeur des Etats-Unis, ne fut pas le moins impressionné.

Un jour, il dit son émotion à l’un de ses compatriotes, M. George Rand, qui se rend à Verdun, voit la tranchée des baïonnettes. Ce dernier déclare à son retour, qu’elle doit être à jamais préservée par un monument. Il offre 500 000 francs avant de décéder à Londres, victime d’un accident d’avion.

Respectant sa volonté, sa famille donne le demi-million à l’ambassade des Etats-Unis et M. André Ventre, architecte en chef des monuments historiques, reçoit la mission d’ériger ce mausolée héroïque.

L’arrivée du président de la République

Le président Millerand a quitté Paris à 8 heures 40 du matin pour se rendre à Verdun afin de présider à l’inauguration du monument élevé dans les environs de Douaumont sur la célèbre tranchée des baïonnettes. Le président est accompagné de Maginot, ministre des Pensions, sir Hugh Wallace, ambassadeur des Etats Unis à Paris, Raymond Poincaré, les maréchaux Joffre et Foch, le directeur de la Sûreté générale, M. Rand, fils du donateur, le général Lasson, chef de la maison militaire du président de la République.

Le déjeuner a été servi dans le wagon historique qui faisait partie du train spécial affecté au Maréchal Foch comme commandant en chef des armées alliées et où fut signé l’armistice du 11 novembre 1918.

Lorsque le train présidentiel entre en gare de Verdun, il est 13 heures précises. Alexandre Millerand est accueilli par le maire de Verdun, Edmond Robin, président du tribunal de commerce, qui a joué un rôle important dans la reconstruction de la ville, les députés de la Meuse, Henry Ferrette, avocat au barreau de Bar-le-Duc, Georges Lecourtier, agriculteur, Louis Revault, membre du conseil supérieur de l’agriculture et de l’office agricole.

A l’Hôtel de Ville

Le cortège entre dans la ville par la porte Saint-Paul et se rend à l’Hôtel de Ville. Le président de la République remet la croix de la légion d’Honneur au maire adjoint, Victor Schleiter. Celui-ci va phagocyter l’image d’Edmond Robin qui ne sera pas réélu en 1925. Alexandre Millerand serre chaleureusement les mains de Mgr Ginisty, évêque de Verdun, entouré de son clergé.

Le maréchal Foch, exprime aux membres de la famille Rand l’assurance que l’armée française a été très sensible à la généreuse pensée du donateur américain.

Au cimetière

Le cortège se reforme pour regagner le cimetière du faubourg Pavé. Le président Alexandre Millerand arrive devant la grande croix au centre du cimetière et dépose une palme sur la tombe des soldats inconnus. L’ambassadeur des Etats-Unis dépose également une palme.

A 13 heures 15, le cortège part pour la tranchée des baïonnettes en traversant les ruines des faubourgs de la ville et des campagnes avoisinantes. A 14 heures 15 le président de la République et sa suite gravissent à pied la chaussée qui mène au sommet de l’éminence sur laquelle s’élève le monument. Sur le terre-plein devant le monument une petite estrade de bois blanc. Une compagnie du 137° régiment avec drapeau rend les honneurs.


 

Discours de sir Hugh Wallace

L’ambassadeur des Etats-Unis prend le premier la parole. Son discours, prononcé en anglais, est écouté dans le plus religieux silence.

« Verdun, nouvelles Thermopyles, est le sanctuaire où la civilisation elle-même vient rendre hommage à la France. Son sol est sacré, nous le contemplons avec vénération et ne pouvons nous refuser d’y déposer notre tribut de reconnaissance et de respect ».

Il estime que la dette contractée par le monde envers la France ne saurait être acquittée. On ne peut que la reconnaitre. Puis il termine par ces émouvantes paroles : « Cette pierre vient d’Amérique. En qualité de représentant de ce pays, je la consacre comme symbole de cette gratitude que notre amitié nationale rendra éternelle ».


 

Discours du président Alexandre Millerand

Le président de la République prononce alors un discours où se trouve retracé en termes saisissants l’extraordinaire page d’histoire qui eut pour théâtre la tranchée des baïonnettes, où 57 officiers, sous-officiers et soldats du 137° d’infanterie sont enterrés debout face à l’ennemi.

« La tranchée des baïonnettes !! Quel symbole plus saisissant de la résistance indomptable opposée par le soldat français à la ruée allemande que la vue de ces baïonnettes trouant de leur pointe le sol où sont demeurés enterrés, l’arme au bras, les poilus auxquels avait été confiée la garde de la tranchée.

Ils sont arrivés au ravin de la Dame dans la nuit du 10 au 11 juin 1916. A peine ont-ils occupé la tranchée que le bombardement redouble de fureur : le roc des abris dit un témoin oculaire, qui fut l’un des acteurs du drame remuait comme une pâte de pétrin. Toute la journée il en sera ainsi. Il y avait, dit le même témoin, du sang un peu partout ; auprès du poste de secours il y en avait des filets qui coulaient dans le boyau ; on trouvait à chaque instant des têtes et des membres détachés. Les obus de 280 et de 305, qui faisaient sauter la terre à 50 mètres en l’air, tombaient sur les tranchées et réduisaient les hommes en bouillie ; le soir ils n’étaient plus que 70 par compagnie, et on avait fait la relève avec un effectif de 164.

Ceux qui ne sont pas tués sont ensevelis vivants ; les uns ont pu être déterrés par leurs voisins, les autres demeurent dans la tombe. En même temps que les soldats, fusils et mitrailleuses sont enterrés : il faut être prêts à se défendre. On fait mettre aux hommes baïonnettes au canon. Ils la garderont jusque dans la mort.

Le soir même, avec un ralentissement du bombardement, l’attaque de l’ennemi qui, sous la protection de l’artillerie, a creusé un boyau de la tranchée allemande à la nôtre. Un combat de grenade commence ; avec des péripéties diverses, il durera toute la nuit. A l’aube, le 12, à 4 heures du matin, le bombardement redouble. Les entonnoirs se recouvrent. La terre n’est plus que de la poussière sur laquelle il est également impossible de se tenir debout et de marcher. La fumée étouffe les survivants : il reste 30 hommes par compagnie de 164.

A six heures du matin, on entend le cri – V’là les boches – c’est l’assaut. Les fusils et les mitrailleuses pleins de terre sont inutilisables. Une lutte corps à corps s’engage. Ceux des nôtres qui n’ont été, ni tués, ni enterrés, sont faits prisonniers.

L’auteur du récit auquel j’emprunte ces traits conclut en ces termes : quand j’ai eu dit que le sort de Verdun était entre nos mains, tout le monde a trouvé cela naturel et a attendu la mort. C’étaient des hommes ces Vendéens.

137° régiment – 1er régiment, 2° 3° et 4° compagnies : Fléchissons le genou devant ces héros .

Ce monument si grand, si impressionnant en sa simplicité signifie la continuité dans la paix de l’entente scellée dans les épreuves de la guerre. Pershing comme la Fayette luttait pour le triomphe de la liberté. Il reste à consolider les résultats de la victoire. Pour obtenir ces résultats la France sait que l’amitié des Etats-Unis ne lui fera pas défaut ».

La musique militaire joue l’hymne américain et la Marseillaise.

Le président de la République fait le tour du monument près duquel se tient M. Charles Bertrand député et le président de l’Association des anciens combattants qui a envoyé une délégation avec son drapeau. Est présent le lieutenant Polemane, un des rares survivants des compagnies du 137°.

Le cortège présidentiel repart à 14 heures 50.

Au fort de Vaux

A 15 heures les voitures automobiles arrivent au pied des ruines du fort de Vaux. Le commandant Lespinasse, aux côtés de M. Millerand et des maréchaux sur la superstructure du fort, rappelle les grandes dates des forts de Vaux et de Douaumont. Le président prend un grand intérêt à ce récit.

Mais le temps presse, il faut trop rapidement parcourir les galeries souterraines du fort puis, par les mêmes chemins de cauchemar, à travers des terrains dont chaque pouce fut retourné cent fois par les obus, le cortège regagne la gare de Verdun.

Le train présidentiel quitte Verdun à 16 heures 15. Le président de la République arrive à Paris à 20 heures.

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Au cimetière du Faubourg Pavé

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Le cortège monte vers le monument

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Les discours sur le terre-plein

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la tranchée des baïonnettes

Visite du monument

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la tranchée des baïonnettes

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